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Sacerdoce et altérité 1/2 : comprendre la position catholique sur l’ordination

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    Cyprien.L
  • il y a 7 jours
  • 9 min de lecture
« Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme (épouse) parce qu’elle a été tirée de l’homme (époux). » (Genèse 2,23)
Découvrez pourquoi l’Église catholique n’ordonne pas de femmes prêtres : une réflexion apaisée sur la dignité égale de l’homme et de la femme, le sens du sacerdoce et la complémentarité biblique.
Peinture religieuse de style Renaissance représentant Jésus, Marie et Saint Pierre, illustrant la dignité égale et la complémentarité entre hommes et femmes dans la foi catholique.

Introduction


Dans cet article, je souhaite présenter avec calme et clarté la position catholique romaine — donc la mienne — sur une question souvent sensible : pourquoi l’Église catholique n’ordonne-t-elle pas de femmes au sacerdoce ? Il ne s'agit pas ici d'imposer une vision ou de provoquer un débat stérile. Chacun est libre de ne pas être d'accord : ce n'est pas une agression, seulement une manière de comprendre - pour les plus curieux - un mystère fondamental de notre foi.


Il est important de préciser dès le début que cette position n'est en rien fondée sur une quelconque misogynie structurelle. Oui, il y a eu — et il y a encore parfois — des comportements misogynes dans l’histoire de l’Église. Mais ils relèvent de péchés personnels, non de la nature même de la foi catholique, qui proclame avec force la dignité égale de l’homme et de la femme. Le refus d'ordonner des femmes ne trouve donc pas son origine dans une dévalorisation de leur personne, mais dans une logique théologique, sacramentelle et symbolique, profondément enracinée dans l'Évangile et la Tradition.


À travers cet article, je voudrais montrer que la vraie question n'est pas celle d'un pouvoir auquel on accéderait, mais celle d'une mission reçue dans la gratuité du choix divin. Et ce choix, qui peut heurter nos sensibilités modernes, n'est ni une injustice ni un caprice : il révèle au contraire une sagesse plus haute que nos catégories humaines.


La dignité égale de l’homme et de la femme


Dès les premières pages de la Bible, la dignité égale de l’homme et de la femme est affirmée sans ambiguïté : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Genèse 1,27). Cette affirmation fondamentale établit que la masculinité et la féminité sont, toutes deux, des expressions de l’image divine. Il n’existe donc aucune infériorité de l’une par rapport à l’autre dans l’ordre de la création.


Cette égalité profonde est confirmée par le cri d’Adam en découvrant Ève : « Voici cette fois l’os de mes os et la chair de ma chair ! On l’appellera femme parce qu’elle a été tirée de l’homme » (Genèse 2,23). La femme (Isha en hébreu), tirée de l’homme (Ish), manifeste une unité profonde entre l’époux et l’épouse. Le texte biblique ne présente pas simplement Ève comme une partenaire optionnelle, mais comme une présence essentielle sans laquelle Adam demeure incomplet, seul face à lui-même et au monde. Cette union, loin d’être secondaire, est constitutive de la plénitude humaine voulue par Dieu.


Les Pères de l’Église, comme saint Augustin, voient dans cette complémentarité une profonde dimension symbolique : de même que la femme est tirée du côté d’Adam, l’Église naît du côté ouvert du Christ sur la croix. L’étymologie grecque utilisée dans la Septante le souligne davantage : le mot grec pour côte ou côté, πλευρά (pleurá), évoque précisément cette dimension latérale, ce vis-à-vis nécessaire, ce face-à-face d’altérité sans lequel l’humain ne peut véritablement se réaliser. Ainsi l’homme et la femme, dans leur différence, ne sont pas des moitiés interchangeables mais des compléments indispensables à l’accomplissement plénier de l’image divine dans l’humanité.


La foi catholique, fidèle à cette révélation, n’a jamais cessé de proclamer que l’homme et la femme possèdent une égale dignité, même si leurs vocations peuvent se déployer de manière différente. Saint Paul lui-même, souvent mal compris ou caricaturé, enseigne clairement que « il n’y a plus ni homme ni femme, car vous êtes tous un dans le Christ Jésus » (Galates 3,28). Cette unité n’abolit pas la différence, mais elle affirme que cette différence n’est pas une hiérarchie de valeur.


L’histoire de l’Église témoigne aussi de cette égale dignité. La Vierge Marie, plus haute que tous les anges et les saints, a été choisie pour porter en son sein le Verbe éternel. Sainte Catherine de Sienne, docteur de l’Église, a conseillé les papes eux-mêmes. Sainte Thérèse d’Avila a réformé l’un des plus grands ordres religieux. Sainte Thérèse de Lisieux a été proclamée patronne des missions, elle qui n’avait jamais quitté son Carmel. Le rôle des femmes dans l’Église n’a donc jamais été secondaire ni accessoire.


Cependant reconnaître cette dignité égale ne signifie pas nier la différence. Et c’est justement parce que l’homme et la femme sont égaux dans leur être, mais différents dans leur manière de refléter le mystère divin, que leurs missions dans l’Église ne sont pas interchangeables. La complémentarité n’est pas une injustice : elle est une richesse. Et vouloir l’effacer, ce serait appauvrir le mystère même de l’humanité créée par Dieu.


L’ordination catholique : un sacrement, pas un droit


L’un des malentendus les plus fréquents dans le débat sur l’ordination des femmes est de considérer le sacerdoce comme un droit auquel chacun — homme ou femme — pourrait prétendre. Or dans la foi catholique, l’ordination n’est pas une promotion ni une reconnaissance de valeur personnelle. C’est un sacrement, c’est-à-dire un signe efficace institué par le Christ lui-même, qui agit à travers une configuration sacramentelle au Christ tête et époux de l’Église.


Le prêtre ne représente pas la communauté. Il ne parle pas en son propre nom. Il agit in persona Christi capitis — dans la personne du Christ Tête de l’Église. Ce n’est pas sa personnalité, ni ses talents, ni son intelligence qui donnent efficacité à son ministère, mais la grâce reçue par l’imposition des mains. C’est donc le Christ qui agit en lui, non l’homme par lui-même.


Dans cette perspective, il est essentiel de comprendre que le prêtre représente sacramentellement le Christ Époux, uni à l’Église comme à son Épouse. Or cette union nuptiale, qui fonde toute la structure du mystère chrétien, ne peut être représentée sacramentellement que dans la logique de cette altérité. Il ne s’agit pas de dire que les femmes seraient moins capables, ou moins proches du Christ, mais simplement qu’elles ne peuvent signifier visiblement, dans leur corps même, ce que le Christ a voulu manifester à travers le sacrement de l’ordre.


Saint Thomas d’Aquin le rappelle dans la Somme contre les Gentils : « Les sacrements sont des signes sensibles qui signifient et causent la grâce ; or il convient que le ministre soit conforme à celui qu’il signifie dans le sacrement qu’il confère »​

Le prêtre, homme pécheur et fragile, est choisi non parce qu’il est digne, mais parce qu’il peut symboliquement représenter le Christ époux qui se donne à son Église.

Il ne s’agit donc pas d’un jugement de valeur sur la personne, mais d’un discernement sur la signification visible du signe sacramentel. Vouloir en faire un droit, c’est oublier que toute la logique chrétienne repose non sur la revendication, mais sur l’appel. C’est Dieu qui appelle, Dieu qui choisit, et non l’homme (ou la femme) qui s’attribue un rôle.


Marie, plus grande que Pierre… et pourtant non prêtre


S’il fallait une preuve éclatante que le sacerdoce n’est ni un privilège ni un critère de grandeur spirituelle, c’est vers la Vierge Marie qu’il faudrait se tourner. Pour nous, catholiques, Marie est la créature la plus sainte que Dieu ait jamais créée. Elle est l’Immaculée Conception, la Mère de Dieu, la Reine des Apôtres, celle en qui l’Église entière trouve son image la plus pure. Et pourtant, jamais elle n’a reçu ni revendiqué le sacerdoce ministériel. Elle n’a pas prêché à la manière des apôtres. Elle n’a pas célébré l’Eucharistie. Elle n’a pas gouverné l’Église. Cela ne l’a pas empêchée d’être au cœur du mystère chrétien, d’être la Mère de l’Église et la première des croyantes.


Et si Dieu ne l’a pas choisie pour cette fonction, alors même qu’elle en était infiniment plus digne que Pierre — celui-là même qui reniera trois fois son Seigneur — ce n’est pas parce qu’elle en était incapable, mais parce que Dieu, dans sa sagesse, ne se conforme jamais aux logiques humaines. Dieu ne choisit pas les meilleurs selon nos critères. Il choisit ce qui est faible pour confondre ce qui est fort, ce qui est petit pour confondre les puissants. « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » demanda Nathanaël. Oui. Car Dieu se plaît à surprendre.


Marie a assumé une vocation bien plus haute : celle de coopérer au mystère du salut dans le silence, la contemplation, la disponibilité totale. Elle a dit oui là où Ève a dit non. Elle a enfanté la Tête du Corps, alors que Pierre, malgré sa charge apostolique, n’aura été que le serviteur de cette Église que Marie précédait déjà par sa foi. Le mystère marial n’est pas périphérique au christianisme : il est central. Et il nous rappelle que la grandeur spirituelle ne s’achète pas au prix d’une fonction, mais se reçoit dans l’amour.


En ce sens, affirmer que la femme ne peut être prêtre, ce n’est pas l’exclure du mystère de Dieu. C’est reconnaître qu’elle y entre autrement — non pas en moins, mais en profondeur. Non pas par la tête visible, mais par le cœur battant. Là où le prêtre donne le Corps, Marie l’a porté. Et cela, aucune ordination ne pourra jamais l’égaler.


Conclusion : une autre logique, une autre grandeur


Ainsi, affirmer que les femmes ne peuvent recevoir le sacrement de l’Ordre dans l’Église catholique n’est ni une offense à leur intelligence, ni une négation de leur dignité, encore moins une stratégie de domination masculine. C’est au contraire reconnaître que dans l’économie du salut, chaque vocation est donnée, et non revendiquée ; que la mission n’est pas une question de droits, mais de mystère ; et que Dieu, qui a fait de Marie la Mère de son Fils et la Mère de l’Église, n’a pas besoin de prêtre pour manifester la sainteté.

Ce n’est pas une hiérarchie de valeur, mais une diversité de fonctions, dans une unité de foi et de grâce. C’est le même Esprit qui agit, dans le silence de la contemplation comme dans la prédication de la Parole. Et l’Église, pour rester fidèle à ce mystère, ne peut pas le redessiner selon les modes du monde sans trahir ce qu’elle a reçu.


Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’Église catholique n’a jamais réduit la femme à son rôle biologique de mère ou d’épouse. Bien au contraire. Elle est sans doute la première institution spirituelle et religieuse à avoir valorisé une vocation pleinement féminine en dehors du mariage, en proposant dès les premiers siècles une voie de consécration libre et radicale. Le choix de la virginité pour Dieu, loin d’être une soumission à une morale sexuelle étroite, fut une véritable libération spirituelle pour des femmes qui refusaient d’être définies par la maternité imposée, le statut social, ou les contraintes familiales. À travers les vierges consacrées, les religieuses, les docteurs, les mystiques, l’Église a toujours honoré la femme comme être libre, capable de s’unir à Dieu dans une alliance directe, personnelle, sans médiation masculine.


Là où bien des sociétés ne voyaient dans la femme qu’une épouse ou une génitrice, l’Église a reconnu en elle une âme capable d’union mystique, de contemplation, d’autorité spirituelle, et même de prophétie. La liberté intérieure, dans le Christ, a précédé de loin les émancipations sociales tardives. Et aujourd’hui encore, cette liberté de se donner à Dieu, hors de toute logique utilitaire ou biologique, demeure un signe prophétique pour le monde.

Cela ne veut pas dire que la place des femmes dans l’Église doit rester figée ou marginale. Bien au contraire. Leur rôle dans la transmission de la foi, dans le service des pauvres, dans l’enseignement, la direction spirituelle, la théologie, et la sanctification du monde est immense. Et cela soulève aujourd’hui, avec justesse, une question en débat : celle du diaconat féminin.


Le diaconat, dans la tradition catholique, est un degré du sacrement de l’Ordre, mais distinct du sacerdoce. Le diacre n’agit pas in persona Christi capitis, mais in ministerio Christi servus : il ne consacre pas l’Eucharistie, mais il proclame l’Évangile, assiste à l’autel, célèbre certains sacrements (comme le mariage ou les funérailles), et surtout, il est signe du Christ serviteur. Or, dans l’Église ancienne, il existait des « diaconesses » — leur rôle exact fait aujourd’hui encore débat parmi les historiens, mais elles n’étaient pas des femmes prêtres. Elles avaient des fonctions spécifiques, souvent liées au baptême des femmes ou à l’aide des pauvres.


C’est pourquoi le pape François a institué une commission d’étude pour approfondir la question du diaconat féminin. Non pour céder à une pression idéologique, mais pour discerner en vérité si l’Église pourrait, sans trahir la tradition, redonner aujourd’hui un ministère officiel à des femmes dans la forme du diaconat. La question reste ouverte, et elle exige rigueur, fidélité, et écoute de l’Esprit.


Nous devons donc marcher avec espérance et humilité : dans l’Église, ce n’est pas en imitant que l’on devient plus grand, mais en se laissant transformer. Et la femme, dans sa vocation propre, porte un visage irremplaçable de la sainteté, qui ne passera jamais par la prêtrise, mais peut embraser le monde.

 
 
 

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