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Hommage au Saint Père François : Un veilleur entre les voiles du monde

  • Photo du rédacteur: Cyprien.L
    Cyprien.L
  • 22 avr.
  • 5 min de lecture

 Jean 3,8

Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va ; ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit.

Hommage au pape François, témoin d’une Église incarnée. Un cœur ouvert à la misère, une foi ancrée dans l’Esprit, une vérité vécue dans la sarx.
Requiescat in pace. Que votre souffle rejoigne Celui que vous avez suivi jusqu’au bout, et que votre silence, désormais uni à la lumière, continue de murmurer à l’Église ce que l’Esprit dit aux cœurs éveillés.

Le Saint Père François,


Il était fils d’un cheminot, devenu jésuite, puis cardinal de Buenos Aires, choisi comme Évêque de Rome « venu du bout du monde ». Jorge Mario Bergoglio, devenu François, fut le premier pape non-européen depuis des siècles, et le premier à porter ce nom en mémoire du poverello d’Assise. Il a lavé les pieds des oubliés, dénoncé la mondanité spirituelle, pleuré avec les migrants, tenu tête aux puissances, semé des ponts entre les cultures, et rappelé au monde que la miséricorde n’est pas un slogan mais une blessure ouverte dans le cœur du Christ. Sa silhouette courbée, son regard fatigué, ses silences plus éloquents que bien des discours : tout en lui témoignait de cette Église en sortie, blessée mais debout, maternelle et prophétique.


Il avait connu l’immigration, la peur, la misère. Non comme concept, mais comme chair — sarx, selon le sens paulinien : non pas seulement un corps, mais une existence humaine saisie dans toute sa précarité, sa fragilité, son cri. C’est cette réalité brutale, silencieuse et non idéologique qui l’avait façonné. C’est elle qui le rendait profondément humain, intensément compatissant, vrai, comme le Christ qui n’a pas survolé notre condition mais l’a épousée jusqu’au bout. François n’était pas un pape abstrait, un pape des systèmes ou des idées : il était un pape incarné. Et c’est cela qui dérangeait. Lorsqu’il parlait de la misère, ce n’était pas depuis une chaire, mais depuis une mémoire. Lorsqu’il pleurait les morts de l’immigration, c’est parce que certains avaient traversé sa vie et laissé une plaie qui ne se refermait pas. Et pourtant, il souriait. Pas d’un sourire diplomatique ou bienveillant de façade, mais d’un sourire enraciné dans l’espérance, dans une foi invincible.


Il aurait pu redire avec Paul, dans le secret de sa prière :

« C’est dans ma faiblesse que se déploie ta puissance. » (cf. 2 Co 12,9)

Et le monde ne comprenait pas, pourtant, la faiblesse vécue comme offrande, c’est déjà une autre forme de force — la seul que l'on doit désiré, celle du Christ.


On lui a reproché de ne pas avoir mis en avant le titre de « Vicaire du Christ ». Mais qu’a dit le Christ ? « Je suis la Vérité, le Chemin et la Vie » (Jn 14,6). Pas je dis, pas je théorise, mais je suis. Jésus ne s’est jamais présenté comme une abstraction, mais comme une présence. Le pape François, dans le mystère de sa vocation, vivait cela pleinement : non pas comme un concept, mais comme une tension habitée, un témoignage, une incarnation. Il ne portait pas le titre dans son éclat, mais dans sa chair. Ce n’est pas lui qui disait : « Qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14,9), et pourtant il marchait humblement dans cette parole, la tenant comme une croix impossible, car la pensée de Dieu dépasse nos pensées (cf. Is 55,8). Et pourtant… le Verbe s’est fait chair, et nous avons vu sa gloire. En lui, quelque chose de cette face nous était donnée.


Comme Job à la fin de son épreuve, les membres de l’Église ont été bouleversés. Car jusque-là, on avait entendu parler de lui par ouï-dire, mais voici qu’à travers ce pontificat, nos yeux ont vu quelque chose (cf. Job 42,5). Oui, le Saint Père était bel et bien le Vicaire du Christ, mais non dans un titre ronflant ni une logique de domination : il l’était dans toute son humanité, dans son cœur offert, dans sa faiblesse traversée par la lumière. Et cela, précisément, nous a bouleversés.


Il aura été un pape spirituel et politique, doux et ferme, contemplatif et engagé, souvent attaqué, rarement compris. Il a vécu sous les critiques constantes, parfois même venues de ceux qui auraient dû l’entourer. Et pourtant, jamais il n’a dévié de sa mission : réveiller une Église endormie dans ses certitudes. Le pape François aura été un veilleur, un briseur d’automatismes, un témoin de la patience de Dieu.


L’Église est-elle fracturée comme certains le disent… ou simplement en train de se réveiller ? Tout dépend du degré de neutralité avec lequel on interprète les choses. À travers sa vie, son ministère et sa mort, le Saint-Père nous le rappelle : le cœur du christianisme n’est pas une idéologie, mais une écoute. Celle de l’Esprit. Il nous faut simplement réapprendre à nous écouter. Il n’y a pas que deux extrêmes — progressistes et traditionalistes — et c’est aussi notre devoir de discerner ce que l’Esprit Saint veut dire à travers chacun. Là où certains cherchent l’hérésie chez le frère, d’autres entendent l’appel à l’humilité. Il n’y a pas de Révélation sans dévoilement progressif, et pas de dévoilement sans silence pour accueillir.


Ce qu’il y a de plus mondain, ce n’est pas d’être progressiste ou traditionaliste. Non, l’attitude la plus du monde, c’est d’être à ce point façonné — voire lobotomisé — par les logiques de notre époque, par la polarisation gauche/droite et tous leurs dérivés, que même au sein de l’Église, nous devenons le reflet du monde… avec la soutane et les prières en plus.


Demeure la sagesse — dans le milieu juste, entre les excès disait Artistote : C’est là que le pape François, souvent incompris, parfois ridiculisé, s’est tenu. Dans l’interstice. Ni d’un camp, ni de l’autre, mais de Celui qui priait pour que « tous soient un » (Jn 17,21). Il a porté les tensions sans les fuir. Il a souffert sans se défendre. Il a prêché l’unité, non comme fusion des idées, mais comme passage par le feu de l’amour.

Que Dieu éclaire son peuple. Car c’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres qu’on nous reconnaîtra comme disciples (cf. Jn 13,35)… et nous en sommes encore bien loin.


Merci, Saint Père, d’avoir mis cela en lumière. D’avoir été veilleur alors que nous dormions. D’avoir crié pendant que nous murmurions. D’avoir gardé les yeux ouverts sur l’aletheia — la vérité dévoilée — pendant que nous étions fascinés par l’opinion.


 Matthieu 24,42

« Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra. »

Celui qui veille ne dort pas dans l’illusion. Il attend la lumière nue.


Celui qui veille marche vers l’aletheia — la vérité qui ne vient qu’à l’heure qu’on ignore.


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